Une recherche conduit à des actions visant à améliorer l'accouchement en Guinée
Lorsque Mme Fatoumata Binta Touré a pris connaissance des résultats d'une étude menée par l'OMS/HRP dans quatre pays, qui montre que plus d'un tiers des femmes ont été maltraitées pendant l'accouchement dans des structures de santé, elle n'a pas été vraiment surprise.
« Nous avions souvent entendu dire que les femmes étaient confrontées à ces problèmes lors de l’accouchement, mais cette recherche nous en apporte la confirmation », a expliqué la présidente de l'Association nationale des infirmières de Guinée. « Ce n'est pas l'objectif de l'accouchement que les femmes soient traitées avec violence. Nous avons vu cette étude comme une opportunité pour faire des progrès dans ce domaine - de mettre en place un plan d'action et d'améliorer l’accès des femmes aux soins respectueux ».
Une expérience d'accouchement positive ne se résume pas à la naissance d'un bébé en bonne santé. Elle répond aux attentes personnelles et culturelles d'une femme. Elle lui donne un sentiment de contrôle et d'implication dans la prise de décision concernant ses propres soins, avec le soutien d'un personnel clinique compétent et le choix de son accompagnatrice à la naissance.
Ce n'est pas l'expérience ou l'attente de nombreuses femmes qui se préparent à accoucher. L'étude de l'OMS/HRP, menée au Ghana, en Guinée, au Myanmar et au Nigéria, a dévoilé une série d'expériences négatives vécues dans les structures de santé. Ces expériences comprenaient des abus physiques et verbaux, la stigmatisation et la discrimination, et des procédures médicales effectuées sans consentement.
Pour les scientifiques de la CERREGUI (Cellule de recherche en santé de la reproduction en Guinée), l'institut de recherche coordinateur en Guinée, la publication des résultats dans The Lancet n'a pas été la fin de l'histoire. « Si une femme s'attend à être maltraitée, pourquoi ira-t-elle à l'hôpital pour accoucher ? Nous savons que l'amélioration des soins respectueux encouragera davantage de femmes à accoucher dans une structure où les accouchements sont assistés par du personnel qualifié, ce qui réduira la mortalité maternelle à long terme. C'est également crucial du point de vue des droits des femmes », a expliqué Dr Mamadou Diouldé Baldé, coordinateur de la CERREGUI, qui a également bénéficié d'une subvention dans le cadre des activités de renforcement des capacités de recherche de l'Alliance HRP. « Lorsque nous avons compris l'ampleur du problème, notre équipe a été motivée à aller au-delà de la littérature publiée et à formuler des recommandations pratiques ».
Moins de deux mois après la publication en décembre 2019, avec le soutien de l'OMS/HRP, la CERREGUI a réuni des cadres du ministère avec des chefs de services de maternités, des responsables des organisations non gouvernementales, des représentants des associations professionnelles et des agences internationales pour présenter les résultats de la recherche à Conakry, en Guinée. Ensemble, ils ont élaboré une série de recommandations pouvant être mises en œuvre au niveau national afin de réduire les mauvais traitements infligés aux femmes pendant l'accouchement. Ces recommandations comprennent des mesures pratiques telles que l'autorisation de l’accompagnatrice choisie pour la naissance et l'acceptation de la position de naissance souhaitée par la femme, ainsi que des changements dans le système de santé tels que l'intensification de la formation aux soins maternels respectueux et le renforcement de la gouvernance et de la surveillance.
Acceptées par le ministère de la Santé, ces recommandations sont intégrées dans le Plan stratégique de santé et de nutrition des mères, des nouveau-nés, des nourrissons et des adolescents (SRMNIA-N 2020-2024) et dans le plan d'action MUSKOKA de 2021. « Toutes les femmes ont droit à des soins de santé dignes et respectueux tout au long de la grossesse et de l'accouchement, sans violence ni discrimination », a déclaré Dr Bernadette Dramou, administratrice nationale de l'OMS pour la santé génésique, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents et la nutrition. « Du ministère de la Santé à la maternité, nous sommes engagés et enthousiastes à traduire les résultats de cette recherche en action, en mettant en pratique ces recommandations pour des soins respectueux qui peuvent améliorer l'expérience de l'accouchement pour chaque femme en Guinée ».
Certaines structures de santé prennent déjà des mesures qui font une différence significative pour le bien-être des femmes. À la maternité du Centre national hospitalier universitaire Ignace Deen à Conakry, les accompagnatrices choisies pour la naissance sont accueillies. « Nous avons largement partagé les recommandations avec de nombreuses sages-femmes, et avons immédiatement pris des mesures pour améliorer les soins de maternité respectueux dans notre hôpital », a expliqué Mme Hawa Keita, sage-femme en chef de la maternité d'Ignace Deen. « Nous avons maintenant une chaise à côté de chaque lit dans la salle d'accouchement, afin que chaque femme puisse avoir l’accompagnatrice qu’elle désire à ses côtés pendant l'accouchement. »
Le personnel infirmier et les sages-femmes représentent près de la moitié du personnel de santé dans le monde. Ils ont joué un rôle essentiel lors de la réunion visant à élaborer les recommandations nationales. « Lorsque nous connaissons les chiffres, nous pouvons prendre des décisions en connaissance de cause, en améliorant nos propres pratiques et conditions de travail de manière à améliorer la situation des femmes », a déclaré Mme Marie Condé, présidente de l'Ordre des sages-femmes de Guinée. « Toutes les sages-femmes devraient être conscientes des différents types de mauvais traitements que les femmes peuvent subir. Nous devons également être proactifs et nous assurer que les femmes dont nous nous occupons pendant le travail et l'accouchement comprennent le type de soins qu'elles doivent recevoir. »
Pour Dr Baldé, l'expérience de la coordination de cette étude, ainsi que le soutien continu de l'Alliance HRP pour le renforcement des capacités de recherche ont fait la différence à plusieurs niveaux. « En tant qu'enseignant, je vois à quel point cela a été important pour mes étudiants et mes collègues. Tout d'abord, nous disposons maintenant de données fiables qui peuvent servir d’outil de prise de décision politique. De plus, le fait de faire partie d'une étude multi-pays a permis des échanges d'expériences très intéressants entre les équipes. Enfin, je constate qu’il y a des membres de notre équipe qui poursuivent leur formation en recherche avec l'aide de l'Alliance HRP, en prenant de nouveaux projets qui peuvent améliorer la santé sexuelle et reproductive des femmes à travers la Guinée ».
« Il est encourageant de voir les pays prendre conscience de l'importance d'assurer une expérience positive aux femmes lors de l'accouchement », a déclaré Dr Ӧzge Tunçalp, scientifique à l'OMS et auteur principal de l'étude. « Nous espérons que les femmes guinéennes tireront profit de cette nouvelle approche, qui place les souhaits et les préférences des femmes davantage au centre de leurs soins. Il ne faut pas oublier non plus que les données disponibles suggèrent qu'une expérience positive lors de l'accouchement peut conduire à de meilleurs résultats pour chaque femme et son enfant - dans la période qui suit immédiatement la grossesse et bien au-delà ».